Dopage il faut infiltrer le peloton, payer des indics»

 

Lors d'un entretien sans concession et dans lequel elle fait preuve d'une très grande fermeté, Amina Lanaya, directrice générale de l'Union Cycliste Internationale (UCI) depuis 2018, a longuement évoqué, dans les colonnes du journal Ouest-France, les questions liées à la lutte contre le dopage médical et technologique. Alertée par certains acteurs du cyclisme, qui estiment qu'il se passe des choses étranges au sein du peloton depuis quelque temps, le bras droit de David Lappartient, le président de l'UCI, explique qu'elle prend très au sérieux leurs craintes et interrogations. "On veut savoir ce qu’il se passe, ce qu’il se dit, connaître les préoccupations des coureurs", déclare-t-elle dans un premier temps.

 

"Il faut changer la méthode, se rapprocher des autorités de Police"

 

"Quand j’entends qu’ils sont préoccupés, qu’ils ont l’impression d’être revenus aux années Festina, ça fait peur. On veut l’éviter. C’est la sonnette d’alarme [...] On alerte alors l’ITA (l'Agence internationale de lutte contre le dopage, qui a créé une unité cyclisme en 2021, ndlr) en leur disant qu’on a des indications qui ne vont pas dans le bon sens. on leur demande de parler avec ces gens qui ont encore plus de détails [...] Mais nous, de notre côté, on ne veut pas lâcher non plus. Donc on leur indique ce qui nous arrive. On aime trop notre sport et l’UCI pour se taire."

Après avoir évoqué cette inquiétude qui règne actuellement, la Franco-Marocaine de 41 ans s'est attardée sur les méthodes permettant de débusquer les tricheurs. Et selon elle, en partant du postulat que "les tricheurs ont une longueur d’avance", il faudrait aller plus loin que les contrôles antidopage. "Le testing, pour moi, n’est plus la source principale de lutte contre le dopage. L’intelligence, l’investigation, le sont. Il nous faut des informations émanant du peloton. On a besoin de radio peloton [...] Il faut changer la méthode, se rapprocher des autorités de Police. Et donner confiance à ces gens qui pourraient parler et donner des informations", affirme Amina Lanaya.

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"Il faut que les tricheurs sentent qu'on est là"

"L’axe principal de la lutte antidopage est l’intelligence, l’investigation", insiste cette dernière. "Je suis peut-être extrême dans ma façon de penser, mais je crois qu’il faut infiltrer. Infiltrer le peloton, infiltrer certaines équipes, payer des indics. Est-ce juridiquement possible ? Cela reste à voir, mais c’est la seule façon d’y arriver. C’est l’effet dissuasif. Quand on commencera à avoir des cas positifs chez des gens qui se croient intouchables, radio peloton fonctionnera alors très vite dans le sens inverse [...] Il faut des effets dissuasifs, marquer le coup, que les tricheurs sentent qu’on est là, juste derrière eux, et pas seulement avec trois ou cinq tests par an", conclut Amina Lanaya, qui fonde de grands espoirs en l'ITA pour mettre hors de nuire les personnes qui font du mal au cyclisme et instillent le doute dans l'esprit de leurs confrères, mais aussi des suiveurs et passionnés.