Soixante jours sur le vélo, près de 9 500 bornes pour 13 succès, soit autant que Primoz Roglic et Wout Van Aert, les autres coureurs les plus prolifiques, Tadej Pogacar a connu une saison 2021 exceptionnelle. Vainqueur de son deuxième Tour de France mais aussi de Liège-Bastogne-Liège et du Tour de Lombardie, le toujours jeune (23 ans depuis le 21 septembre) Slovène a brillé sur trois saisons, le printemps, l'été et l'automne. La question ici ne sera pas de savoir s'il est un cannibale des temps modernes mais de comprendre comment il s'y prend pour qu'objectif rime avec pic de forme.
Si on va un peu plus dans le détail, il ressort quatre moments importants dans la saison de Tadej Pogacar. L'UAE Tour fin février puisque l'épreuve est organisée dans le pays du sponsor de son équipe, Liège, le Tour (et les JO) et la Lombardie. Quatre moments, aucun échec et l'impression qu'il est toujours au top de sa forme. "Du début à la fin, cette saison a été complètement folle, s'emportait-il samedi après son succès sur l'ultime Monument de la saison. Je ne peux pas être plus heureux. Il y a eu des moments exceptionnels, que ce soit avec mon équipe ou avec la sélection nationale".
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RELÂCHER UN PEU POUR MIEUX REPARTIR
Alors comment Pogacar, et d'autres d'ailleurs même si lui semble le réussir avec plus de précision encore, fait-il pour être au top quand ça compte et sur une aussi longue période ? Frédéric Grappe, directeur de la performance à la Groupama-FDJ, nous livre une recette générale pour gérer sa forme sur une saison.
"Pour prévoir les pics de forme, on fixe les gros objectifs de la saison, au moins le premier. Ensuite on part en reculant. Après une coupure (l'hiver par exemple), il faut douze semaines de travail, sans accroc (maladie ou blessure), pour revenir quasiment au top. Quand vous êtes arrivés à ce niveau-là, vous ne pouvez pas le garder toute l'année mais l'idéal c'est de relâcher un peu la charge pour aller légèrement en deçà de ses capacités maximum. Ce qui vous permet de souffler mentalement. C'est ensuite plus simple de repartir, de redonner seulement un petit coup de charge."
La tête est la clé de la gestion de la forme selon Grappe : "C'est le mental qui va faire qu'un athlète n'arrive pas à maintenir un niveau de performance. Le physique peut tenir. L'idée est de faire en sorte de faire récupérer l'athlète avant qu'il y est le décrochement." A la lecture du programme de Tadej Pogacar, on comprend qu'il avait sans doute fixé un pic de forme très tôt, ce qui lui a permis de remporter l'UAE Tour puis Tirreno-Adriatico avant de relâcher un peu sur le Tour du Pays Basque où Roglic lui a infligé sa seule défaite de la saison. Bilan, il est arrivé très bien préparé à Liège.
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LE TOUR DE FRANCE, C'EST UNE AVENTURE
Cette première partie de saison avait une mission : le préparer pour le Tour de France. C'est évidemment pourquoi il a multiplié les épreuves par étapes de février à juin (quatre au total). Ce choix a une autre conséquence pour les coureurs comme lui selon Fred Grappe : "Il y a une grande différence entre quelqu'un qui fait beaucoup de courses d'un jour et un autre qui fait plus d'épreuves par étapes. Quand vous enchaînez les courses d'un jour, vous faîtes beaucoup de voyages. On ne parle pas assez de la fatigue qui en découle".
Encore fallait-il ensuite que son objectif numéro un se passe bien. "Vous ne savez pas ce qu'il peut se passer derrière un grand tour. Le Tour de France, c'est une aventure. Vous pouvez le finir cramé ou en ayant chuté. Vous pouvez aussi le finir plutôt bien", note Grappe. On ne sait pas dans quel état "Pogi" a achevé sa quête de juillet mais il était encore présent pour prendre le bronze aux JO une semaine plus tard. Reste qu'il a pu se projeter sur la fin de saison où il n'avait finalement qu'un objectif.
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Non, Tadej Pogacar n'a pas pris les Mondiaux par-dessus la jambe mais en revanche quand il a attaqué puis abandonné sur la Bretagne Classic fin août, il l'a sans doute fait en connaissance de cause. Pour en demander beaucoup à son corps mais peut-être peu à son esprit. "En fin de saison, vous avez tellement travaillé que vous n'avez pas besoin de beaucoup d'entraînement, c'est de l'affinage", appuie Grappe.
85% DE POGACAR VAUT PLUS QUE 100% DE LA MAJEURE PARTIE DU PELOTON
Le Slovène ne dit pas autre chose. "Sur les classiques italiennes, j'ai eu des bons et des mauvais jours mais je continuais à croire qu'en restant dans le rythme, je pourrais être bon en Lombardie. Peut-être que les mauvais jours m'ont aidé, je ne suis pas allé au-delà de mes limites." "Voyez Roglic, il a gagné trois jours avant le Tour de Lombardie (sur Milan-Turin) et il y était finalement un peu juste. Ils sont sur un fil", conclut Frédéric Grappe.
Ce fil sur lequel Tadej Pogacar est resté quand d'autres, comme Julian Alaphilippe, sans doute rincé mentalement après son deuxième sacre mondial, ou Primoz Roglic pour son ultime course de la saison, sont tombés. Tout ceci ne veut pas dire que le premier a mieux géré sa saison que les deux autres mais que tous parviennent à maintenir un très bon niveau de forme pendant plusieurs mois. Ce que le peloton d'il y a une quinzaine d'années parvenaient moins à faire.
Le cyclisme connaît depuis dix ans une progression majeure dans toute sa partie entraînement. La compréhension des corps évolue et de ceci découle une précision toujours plus importante dans la préparation. Pour finir, on dira que 85 ou 90% d'un Tadej Pogacar vaut sans doute plus que le 100% d'une majeure partie du peloton, ce qui peut aider pour apparaître en haut des feuilles de classement pendant toute la saison.